Critique Funan de Denis Do

Publié le 8 mars, 2019 | par @avscci

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Funan de Denis Do

Récompensé par un Cristal, le plus prestigieux prix de la compétition, lors du dernier festival d’Annecy, Funan s’inspire du témoignage et des souvenirs de la propre mère du réalisateur Denis DO pour raconter la mise en place de l’état autoritaire des Khmers rouges après leur prise de pouvoir le 17 avril 1975. Avec Chou et Khuon, les personnages principaux, on découvre l’implacable mécanique de l’Angkar : l’exil forcé (dès leur arrivée à Phnom Penh, les Khmers envoient la quasi-totalité de ses habitants sur les routes, puis dans des camps de travail), l’humiliation, l’injustice, l’exploitation, la famine et la terreur. Le combat du couple pour retrouver son fils, qui a arbitrairement été séparé de sa famille, devient ainsi le fil rouge d’un récit sans fard qui montre la bêtise et la cruauté, l’impuissance et la lente déshumanisation, mais aussi les soubresauts de solidarité et d’entraide, comme autant de faibles lueurs d’espoir. Car Funan ne fait jamais le procès de personne, si ce n’est du système lui-même. Il montre avant tout des êtres humains confrontés à une machine de destruction et de mort, et leur effort désespéré pour y survivre, parfois coûte que coûte. Visuellement, le film adopte un classicisme élégant qui ne cherche pas les effets, mais vise plutôt le réalisme allié à une certaine forme d’onirisme. La nature dans toute sa majesté, filmée en plans larges, joue un rôle central dans la narration, rappelant la beauté et l’immuabilité des paysages cambodgiens que la bêtise des hommes ne peut atteindre. Par contraste, les gros plans sur les visages des personnages donnent une autre dimension à l’intrigue, nous immergeant dans leur douleur, et sortant brutalement le récit de son aspect presque documentaire pour lui donner une tonalité plus mentale. Sans mièvrerie ni misérabilisme facile, Denis DO trouve ainsi le juste équilibre entre le témoignage intime, forcément bouleversant, et le document historique fort et puissant,. Les accents qui s’y mêlent sont à la fois universels, en hommage aux victimes de toutes les formes de barbarie, et profondément humanistes, avec la réaffirmation qu’il faut malgré tout continuer à croire en l’être humain.

Marie-Pauline Mollaret

Film d’animation français de Denis Do (2018) avec les voix de Bérénice Béjo, Louis Garrel, Colette Kieffer… 1h22




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