Critique Convoi exceptionnel de Bertrand Blier

Publié le 17 mars, 2019 | par @avscci

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Convoi exceptionnel de Bertrand Blier

A l’heure où plus personne n’a le temps de rien, il est devenu commun de « pitcher » les films plutôt que d’en développer les idées-force. Que l’on me permette de souhaiter bon courage à ceux qui vont entreprendre de le faire pour ce nouvel opus de Bertrand Blier, qui pas plus que les précédents ne peut se réduire à une ligne narrative. Les films de Blier ont en revanche un démarrage que l’on n’oublie pas. Celui de Convoi exceptionnel ne fait pas exception. Soit deux types qui se croisent au milieu d’une rue embouteillée. Le premier (Gérard Depardieu) pousse un caddie, au demeurant vide, peut-être le bagage (absent) d’une vie qui se cherche un destin. Le second (Christian Clavier) possède quant à lui le scénario du film que l’on s’apprête à voir. Ce qui est, reconnaissons-le très pratique quand on a besoin de savoir où l’on va. En l’occurrence et dans un premier temps nos deux hommes sont à la recherche d’un type qu’ils doivent descendre. C’est du moins ce que prescrit le scénario… On l’aura compris, ce n’est pas la peine de chercher à se raccrocher à des repères ordinaires pour goûter tout le sel de ce film hors normes, insolent et barré. Plus que jamais Blier cultive l’absurde comme d’autres le font pour les plantes exotiques, bouscule notre confort de spectateur et fait glisser les uns sur les autres différents niveaux de narration selon le principe de la tectonique des plaques. Mais de quoi parle donc ce film qui a davantage à voir avec le théâtre de l’absurde, dont tous les personnages semblent attendre Godot ? De la vie tout simplement, de l’amour éventuellement, de la mort évidemment. De ce point de vue, ce Convoi exceptionnel s’approche de Buffet froid, chef d’œuvre impérissable qui quarante ans après son éclosion n’a pas fini de faire sentir ses parfums capiteux. Convoi exceptionnel est lui aussi une sorte de road movie (même si l’on tourne en rond), un itinéraire géographique et moral que suit le tandem de départ, croisant au passage un certain nombre de personnages tour à tour pittoresques, irritants, émouvants… Une façon subtile de nous présenter un échantillon d’humanité souffrante. Mais aussi une belle brochette de comédiens. Outre les deux poids lourds (du box-office s’entend) présents à l’affiche (Depardieu est ici chez lui, c’est la neuvième fois qu’il est dirigé par le signataire des Valseuses, mais Clavier est un bizuth), ce sont les femmes qui tirent le mieux leur épingle du jeu. Farida Rahouadj (qui colle d’autant mieux à l’univers de Blier qu’elle partage sa vie à la ville), Sylvie Testud, Audrey Dana sont superbes. Mais c’est devant Alexandra Lamy que nous nous prosternons, à qui l’on n’offre pas toujours des rôles à la hauteur de son talent et qui ici nous scotche durablement…

Yves Alion

Film français de Bertrand Blier (2019), avec Gérard Depardieu, Christian Clavier, Audrey Dana, Sylvie Testud.




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