Critique

Publié le 14 décembre, 2022 | par @avscci

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Corsage de Marie Kreutzer

S’il est une légende qui a séduit le cinéma, c’est bien celle d’Elisabeth d’Autriche dite Sissi, impératrice espiègle et fantasque que Romy Schneider a immortalisée dans trois films en Sissi, de 1955 à 1957, puis quinze ans plus tard dans Ludwig : le crépuscule des dieux de Luchino Visconti. Corsage s’offre le luxe de dresser un portrait alternatif de celle qui devint la confidente de son cousin Louis II de Bavière, en entretenant des correspondances calculées avec la place que revendiquent aujourd’hui légitimement les femmes dans un monde trop longtemps dominé par la gent masculine. L’impératrice quadragénaire campée par Vicky Krieps préfère agir que subir et se moque au moins autant de l’orthodoxie des conventions que des règles de l’étiquette. Réduite à son apparence, l’épouse de l’empereur François-Joseph s’astreint à un régime draconien pour perpétuer l’image de perfection que la société de 1877 attend d’elle. Ces rituels, Marie Kreutzer les met en scène avec un souci du détail de tous les plans, mais non sans une ironie mordante. Elle s’en remet par ailleurs à la composition prodigieuse de Vicky Krieps, actrice tout-terrain jamais dupe du personnage qu’elle incarne. Une impératrice qui arbore le sourire complice d’une adolescente fumant en cachette et la détermination d’une rebelle lassée de jouer les potiches pour la galerie. Au-delà de son ton joyeusement persifleur, Corsage s’impose comme le portrait d’une femme qui prend le parti de bousculer les conventions pour imposer une modernité à laquelle ce vêtement oppose un frein symbolique par les contraintes qu’il implique.

Jean-Philippe Guerand

Film austro-luxembourgo-germano-français de Marie Kreutzer (2022), avec Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, Katharina Lorenz, Colin Morgan. 1h53.




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