Chien blanc d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Romain Gary écrit Chien blanc en 1969. Qui est adapté une première fois au cinéma par Samuel Fuller en 1982 (Dressé pour tuer). Quarante ans plus tard, la cinéaste québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette réalise une nouvelle adaptation de cette œuvre anti-raciste. Cette fois les personnages principaux portent leurs vrais noms : Romain Gary, alors Consul général de France à Los Angeles (dans la réalité, il le fut dix ans plus tôt) et sa jeune épouse, Jean Seberg. Impliquée dans la lutte contre la ségrégation, l’actrice est vouée aux gémonies par tous les racistes étatsuniens. Et dieu sait s’ils sont nombreux. Deux ans avant leur séparation, le couple est à bout de souffle. L’arrivée inopinée d’un chien dressé pour s’attaquer exclusivement aux personnes de couleur noire, accentue les tensions dans et en dehors de la superbe maison où réside le couple. La grande force du film réside dans sa capacité à intégrer dans sa fiction de remarquables et méconnues images d’archives nous faisant revivre l’ambiance délétère et les émeutes raciales d’une époque marquée par l’assassinat de Martin Luther King et l’émergence des Black Panthers. Denis Ménochet, l’un des meilleurs acteurs de sa génération, est parfaitement crédible dans la peau de l’écrivain-résistant-diplomate. Nous ne pouvons malheureusement pas en dire autant de Kaceh Rolh, une actrice canadienne qui manque ici de charisme. Cinéaste engagée – Barbeau-Lavalette a, en particulier, pris fait et cause pour les Palestiniens – la réalisatrice saute les décennies pour établir un lien nécessaire entre les luttes des années 1960 et le récent mouvement Black Live Matter dont les soubresauts agitent encore l’Amérique du Nord.
Sylvain Garel
Film canadien d’Anaïs Barbeau-Lavalette (2022), avec Denis Ménochet, Kacey Rohl, K. C. Collins. 1h36.
