Critique

Publié le 7 mars, 2024 | par @avscci

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Black Tea de Abderrahmane Sissako

Abderrahmane Sissako est un homme raisonnable qui ne filme que quand il en éprouve un véritable besoin. César 2015 du meilleur réalisateur pour Timbuktu, chronique impressionniste de l’impact du fondamentalisme religieux sur la vie quotidienne d’un village mauritanien, il revient neuf ans plus tard avec un film aux antipodes du précédent à tous les sens du terme. Black Tea s’attache à l’exil d’une jeune Ivoirienne qui décide de dire non à l’homme qu’elle s’apprêtait à épouser et remet son avenir en question en émigrant à Canton où elle tombe amoureuse d’un négociant en thé plus âgé. La première surprise du film est de montrer cette contrée pour le moins controversée comme un pays de cocagne où le temps semble s’être arrêté et où le régime ne semble exercer aucune prise. Licence poétique ? En homme de bonne volonté, Sissako épouse le regard bienveillant de cette femme déracinée. Jusqu’au moment où le regard des autres devient un peu trop envahissant. Sans être à proprement parler un film politique, Black Tea traite de la tolérance. C’est d’ailleurs le thème de prédilection du cinéaste qui aborde le déracinement d’un point de vue purement humain, mais il faudra attendre la dernière image pour comprendre le sens véritable de tout ce qui a précédé. Abderrahmane Sissako est comme ça : c’est un incorrigible rêveur qui s’obstine à toujours regarder en priorité la beauté du monde. Même quand il en dénonce les dysfonctionnements et leurs conséquences humaines. Tel est le pari de ce film traité comme un conte. Quant à ses mystères, il faut sans doute plusieurs visions pour les dissiper.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-luxembourgo-taïwanais d’Abderrahmane Sissako (2023), avec Nina Melo, Han Chang, Wu Ke-xi, Michael Chang, Yu Pei-jen. 1h50.




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