Batiment 5 de Ladj Ly

Bâtiment 5 Ladj Ly a fait forte impression il y a quatre ans avec Les Misérables, peut-être le film le plus marquant (et le plus réussi) pour rendre compte du malaise des banlieues depuis La Haine. Il persiste et signe avec ce Bâtiment 5 dont on sent à chaque instant que le film puise dans le vécu de son auteur. L’héroïne est une jeune Malienne, alter-ego affichée du cinéaste, une femme sans grand problème, mais qui va peu à peu prendre des chemins de traverse en apprenant que l’immeuble où elle a grandi est promis à la démolition. Pas par bienveillance à l’égard de ceux qui y vivent dans des conditions (volontairement) insalubres, mais bien pour des raisons de spéculations immobilière. Il y a plein de détails qui nous touchent dans le film, qui débute d’ailleurs par une scène d’anthologie, quand il s’agit de descendre un cercueil d’une tour dont les ascenseurs sont en panne. Ladj Ly sait parfaitement trouver des images, des situations pour nous faire toucher du doigt ce qui le révolte. Dommage qu’il ait eu dans ces conditions besoin d’en rajouter en brossant le portrait d’un jeune maire aussi incompétent que cynique, auquel on ne croit qu’à moitié. L’implacable loi du marché, la myopie des politiques et la sidération d’une société sans ressort suffisaient largement à expliquer l’explosion finale. Reconnaissons néanmoins à Ladj Ly sa lucidité. Au vu des émeutes qui ont secoué la France en juin dernier, on ne peut que reconnaître que son Bâtiment 5 est sinon prophétique, du moins un très solide argumentaire…

Yves Alion

Film français de Ladj Ly (2023), avec Anta Diaw, Jeanne Balibar, Alexis Manenti. 1h41.