Critique

Publié le 14 février, 2023 | par @avscci

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Astrakan de David Depesseville

Il y a seulement un siècle, les enfants abandonnés étaient légion et faisaient pleurer Margot. De nos jours, il en faut bien plus pour émouvoir nos cœurs asséchés par une réalité qui dépasse trop souvent la fiction. Loin de succomber à la tentation du mélodrame, David Depesseville œuvre dans le naturalisme le plus radical et choisit à dessein un oiseau déplumé comme Maurice Pialat dans L’Enfance nue (1968) ou Ken Loach dans Kes (1969). Un garçon en manque d’amour qui crie au secours pour se faire remarquer. Le couple qui a recueilli ce gamin tire en outre une partie non négligeable de ses revenus de son statut de famille d’accueil mais a appris à investir au minimum sur le plan sentimental. Astrakan tire son titre de ces agneaux tués dans le ventre même de leur mère pour en extraire une laine noire qui servait naguère à confectionner des manteaux, des manchons et des toques. Comme ces animaux au destin funeste, Samuel a compris qu’il était lui aussi un être sacrifié qui ne devrait sa survie qu’à lui-même. La France que montre ce premier long métrage attachant est un pays où le temps semble s’être arrêté, où la pratique du catholicisme est encore une habitude très répandue et où les enfants regardent d’un œil distrait un film érotique interprété par Brigitte Lahaie, comme s’il s’agissait d’un simple feuilleton à l’eau-de-rose. Difficile de ne pas mentionner enfin la justesse d’un casting qui associe le couple ordinaire formé par Jenny Beth et Bastien Bouillon à une révélation, Mirko Giannini dans le rôle pourtant ingrat de cet innocent jugé trop encombrant par son entourage.

Jean-Philippe Guerand

Film français de David Depesseville (2022), avec Mirko Gianinni, Jehnny Beth, Bastien Bouillon 1h44.




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