Critique

Publié le 8 décembre, 2022 | par @avscci

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Archipel de Félix Dufour-Laperrière

Après le sublime Ville Neuve sorti en 2019, le nouveau long métrage du Québécois Félix Dufour-Laperrière nous entraîne au fil du Saint-Laurent, à la découverte de “mille îles” réelles ou imaginaires. Et comme le fleuve, le film emporte le spectateur dans un torrent de mots, d’images, d’émotions et de sensations. Parfois, il nous perd. A d’autres moments, il nous happe. Certainement, il refuse de se livrer tout entier à la première vision et, si l’on cherche trop à le maîtriser, il a tendance à nous glisser entre les doigts. Il faut alors lâcher prise et se laisser bercer par son cours. Pour cela, deux personnages nous guident en voix-off dans un dialogue poétique et joueur qui emprunte les apparences de la joute verbale. L’enjeu de cette déambulation rêveuse ? Réfléchir au rapport que chacun entretient avec les territoires, eux qui nous façonnent autant que nous y projetons nos désirs et nos espoirs, et s’interroger par extension sur ce qui fait territoire. La question, au Québec, est sans doute plus prégnante encore qu’ailleurs, et la question de l’indépendance mais aussi de la colonisation est au cœur du sujet, avec notamment l’apparition de la poétesse innue Joséphine Bacon lisant dans sa langue natale un extrait de son recueil Bâtons à message. C’est pourquoi il se dégage d’Archipel une fulgurance rare, rehaussée par la liberté farouche et jaillissante de l’animation qui varie continûment les tonalités et les techniques, les couleurs et les styles. Formellement, c’est une splendeur sans cesse renouvelée, un captivant cadavre exquis de propositions et d’expérimentations qui répondent intimement à la multiplicité des points de vue portés par le film. 

Marie-Pauline Mollaret

Film d’animation de Félix Dufour-Laperrière (2021), avec les voix de Florence Blain Mbaye, Mattis Savard-Verhoeven, Joséphine Bacon. 1h12. 




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