Critiques DVD Affiche de Gaspard va au mariage d'Antony Cordier

Publié le 2 juillet, 2018 | par @avscci

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Actu dvd juin 2018 – Cinq films francophones récents

Film après film, Antony Cordier accroît le nombre des protagonistes qu’il met en scène. Comme s’il déployait peu à peu ses ailes de cinéaste. Dans Douches froides (2005), ils étaient trois : une fille et deux garçons. Dans Happy Few (2010), ils sont passés à quatre, avec tout ce que cela suppose de combinaisons entre deux couples. Gaspard va au mariage peut prétendre au titre de film choral et traduit une nouvelle progression de la part du cinéaste qui gagne en confiance et en fluidité, mais demeure fidèle à ses thèmes de prédilection en exploitant fort bien son décor de réserve animalière. Parmi les bonus figurent des scènes coupées, ainsi que les répétitions d’une chorégraphie exécutée par Félix Moati, Guillaume Gouix et Christa Théret, mais aussi la préparation de cette dernière à entrer dans la peau d’une fille-ourse sous la direction d’un coach zoomorphe. Un processus particulièrement complexe qui contribue à l’originalité de ce troisième film résolument à l’écart des modes, dont nous avions salué la sortie en salle en publiant un entretien avec le réalisateur (ASC n°649).

Toute adaptation de l’œuvre de Marguerite Duras se heurte à un écueil : la romancière était aussi réalisatrice et elle a eu tout loisir d’exprimer sa conception du cinéma dans ses propres films, qu’ils soient ou non liés à des textes littéraires préexistants. Du coup, toute trahison encourt le risque de devenir aussi un sacrilège. En portant à l’écran La Douleur, le récit qu’elle a consacré à l’interminable attente de son mari en captivité, Robert Anthelme, à la fin de la guerre, Emmanuel Finkiel a pris en compte et digéré ce paramètre incontournable sur lesquels il revient dans une intervention consacrée à l’image et au son qui dissèque sa méthode, et notamment son utilisation fondamentale du cadre, de la profondeur de champ et d’un environnement sonore qu’il qualifie de subjectif. Le réalisateur subtil de Voyages semblait l’un des seuls capables de relever ce défi, même s’il n’avait jamais vraiment confirmé les grandes espérances nées de son premier film. Dix-huit ans plus tard, il excelle ici à s’immerger dans les mots et à en tirer des images qui ne ressemblent jamais à de simples illustrations. La richesse des bonus permet par ailleurs d’apprécier la qualité de sa démarche, des premiers essais de Mélanie Thierry pour habiter Marguerite Duras, dès mars 2016, à certains partis pris (des costumes mais pas de maquillage) qui contribueront à la réussite de ce pari pour le moins périlleux. Trois scènes coupées complètent par ailleurs ces suppléments déjà remarquables.

Tueurs de François Troukens et Jean-François HensgensPassé injustement inaperçu lors de sa trop brève carrière en salle, Tueurs illustre le dynamisme du jeune cinéma belge en réunissant la fine fleur de ses talents, d’Olivier Gourmet à Bouli Lanners, en passant par Lubna Azabal et Johan Leysen, sous la direction d’un tandem formé de François Troukens, figure du grand banditisme recyclée comme écrivain et animateur, et du chef opérateur Jean-François Hensgens. Le scénario de ce polar musclé s’inspire de la fameuse affaire des tueurs du Brabant survenue au début des années 1980. Son caractère criminel s’accompagne en outre de prolongements politiques filandreux au plus haut niveau de l’État. Résultat, un film efficace ponctué de scènes d’une violence brute qui applique les codes du cinéma de genre à un thriller aussi dépourvu d’états d’âme que de morale dont la plupart des protagonistes cachent leur véritable personnalité derrière un masque. On en découvre également le making of, ainsi qu’une esquisse sous la forme du court métrage lapidaire Caïds (2015), réalisé par Troukens et éclairé par Hensgens.

Plus aimable, mais tout aussi ancré socialement, le dernier opus de Philippe Le Guay. Film choral, Normandie nue nous propose une sorte de panel publicitaire qui représenterait la France en miniature, avec ses paradoxes et ses contradictions. On y trouve pêle-mêle des éleveurs en colère, des agriculteurs au bord du suicide, un maire contraint de recoller les morceaux sans heurter les susceptibilités et même des citadins bobos qui jouent les précieux ridicules sans se fondre pour autant dans la verdure de ce tableau champêtre. Le réalisateur ne porte pas sur ce monde le regard d’un intrus, mais celui d’un autochtone de retour sur la terre de son enfance qui choisit de mêler à des interprètes formidables, des acteurs de composition familiers et des paysans du cru. Et s’il choisit le registre de la fable, c’est pour mieux témoigner d’une réalité sociale rarement montrée à la télévision, sinon pour de mauvaises raisons : celle d’une France rurale à l’agonie dont nous sommes pour la plupart issus, mais que nous laissons crever dans une indifférence qui finira par nous revenir comme un boomerang. La réussite de Normandie nue réside dans son parti pris qui consiste à utiliser les ressources de la comédie pour aborder un sujet tabou en sensibilisant le plus vaste public possible à une cause sous-médiatisée qui ne nous concernera vraiment que le jour où nos assiettes et nos verres seront vides.

Un premier film pour compléter cette rubrique : Le Rire de ma mère. Soit une comédie douce-amère sur un sujet qui pourtant ne prête pas à la gaudriole : les sentiments d’un adolescent qui assiste à la mort lente de sa mère, terrassée par un cancer. Nous ne sommes pas loin du premier film de Carine Tardieu, La Tête de Maman, tant sur le plan thématique que pour le ton employé, et ce n’est pas un mince compliment, le film parvenant parfaitement à godiller entre humour et émotion sans paraître jamais forcé. n Y. A. et J.-P. G.

Gaspard va au mariage Pyramide Vidéo
La Douleur TF1 Studio
Tueurs Sony Pictures Entertainment
Normandie nue M6 Vidéo
Le Rire de ma mère Orange




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