Critiques DVD

Publié le 14 janvier, 2015 | par @avscci

Actu DVD – Cinq films de Claude Sautet

Longtemps, Claude Sautet n’a été considéré que comme un artisan intransigeant et minutieux, en tout cas pas comme un auteur à part entière, même s’il a fini par être embaumé de son vivant. La réunion en coffret de cinq de ses films démontre une cohérence rare et une modernité surprenante que n’ont sans doute manifesté ni François Truffaut ni Jean-Luc Godard pendant le même quart de siècle, n’en déplaise aux Cahiers du cinéma qui se sont acharnés contre lui. Ce qu’on a reproché à Sautet, c’est sans doute d’avoir débuté comme assistant, donc d’être un remarquable technicien, et d’avoir prêté sa plume à de multiples scénarios, plutôt que de se consacrer à bâtir une œuvre. À y regarder de plus près, la magie de son cinéma s’articule sur des personnages, des sentiments et… des longues focales qui renforcent la sensation de réalité. Au point que tout le monde peut se retrouver dans la fausse banalité de l’adultère des Choses de la vie, Prix Louis Delluc 1970, le couple à trois de César et Rosalie (1972), intitulé à l’origine Coup de foudre et refusé par Lino Ventura et Catherine Deneuve, mais inspiré par la personnalité de son frère aîné, la convivialité qui lie les copains du dimanche de Vincent, François, Paul… et les autres (1974), qui constituaient quatre histoires distinctes dans le roman de Claude Neron, La Grande Marrade, les scènes de la vie de province dépeintes dans Quelques jours avec moi (1988) ou les rapports apaisés et platoniques de Nelly et Monsieur Arnaud (1995).

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Et puis, il y a la manière : ces visages familiers qui reviennent de film en film (Romy Schneider, Emmanuelle Béart, Michel Piccoli, Yves Montand, Daniel Auteuil…), ces cafés enfumés qui nous paraissent a posteriori furieusement exotiques et ces scènes de voiture où l’usage de la transparence, cet artifice du cinéma des origines, ne cherche surtout pas à se dissimuler (surtout en Blu-ray !). À travers ce florilège emblématique de la qualité française, c’est aussi la vie quotidienne des ères pompidolienne, giscardienne et mitterrandienne qui affleure, comme des bribes conviviales de notre mémoire collective, même si la politique proprement dite n’est pas de mise. Pierre-Henri Gibert dissèque ainsi sa méthode dans Symphonie métallique (2008), puis dans Sérénade à trois (2012), à l’instar de l’accident de voiture des Choses de la vie, décomposé sur une période de plusieurs semaines à l’aide de dix à douze caméras, en utilisant le système D en guise d’effets spéciaux. Cet ensemble cohérent est nourri des témoignages du scénariste Jean-Loup Dabadie, du compositeur Philippe Sarde, de la productrice Michelle de Broca, du chef opérateur Jean-François Robin, de la scripte Geneviève Cortier, de la monteuse Jacqueline Thiédot, de l’ingénieur du son Pierre Lenoir, de son assistant Jean-Claude Sussfeld, de son attaché de presse Jean-Claude Missiaen, de son éminent biographe N.T. Binh et du critique italien Aldo Tassone. Dans Claude Sautet, une sensibilité musicale (2014), Dominique Maillet évoque le cinéaste à travers la complicité post mortem du fils de son ami Yves Robert, Jean-Denis, avec le sien… baptisé lui aussi Yves. Dans La renaissance de Claude Sautet (2014), le tableau de famille s’étend à trois transfuges de la revue Cinématographe, le producteur Philippe Carcassonne et les scénaristes Jacques Fieschi et Jérôme Tonnerre, mais aussi à une génération d’acteurs qui n’est plus celle de ce réalisateur obsédé par la métrique, mais au sein de laquelle il va puiser un nouvel élan créatif.

JEAN-PHILIPPE GUERAND

Les Choses de la vie / César et Rosalie / Vincent, François, Paul… et les autres / Quelques jours avec moi / Nelly et Monsieur Arnaud – StudioCanal




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